La lobotomie est une technique chirurgicale consistant à déconnecter certaines partie du cerveau. Elle a aujourd’hui été abandonnée par de nombreux pays en raison des nombreuses séquelles qu’elle provoquait et des progrès médicamenteux qui ont été faits ces dernières décennies. On peut néanmoins lui attribuer le mérite d’être à l’origine de la psychochirurgie moderne. Mais quels cas étaient initialement susceptibles de nécessiter une lobotomie ? Comment et dans quelles conditions les lobotomies étaient-elles pratiquées ? Quels étaient les risques d’une telle intervention ? Découvrez l’essentiel à savoir sur la lobotomie dans notre article.
Lobotomie : définition
La lobotomie (ou leucotomie) est une intervention chirurgicale consistant à sectionner les fibres reliant différentes parties du cerveau afin de les « déconnecter ». Ce sont les lobes frontaux (cortex préfrontal) qui sont le plus souvent concernés et « isolés » du reste de l’encéphale.
Il faut savoir que les lobes frontaux gèrent un grand nombre de fonctions cognitives (notions mathématiques, mémoire, jugement, planification, personnalité, comportement social et sexuel, etc.) et exerce une partie du contrôle moteur du corps (mouvements volontaires).
À l’heure actuelle, la lobotomie n’est plus pratiquée que dans certains pays : en Belgique, en Espagne, dans certains états des États-Unis, en Finlande, en Inde, en Norvège, dans certains comtés du Royaume-Uni ou encore en Suède.
Bon à savoir : il n’existe aucune loi interdisant cette pratique mais, en France, la dernière lobotomie a été pratiquée en 1986.
Article
La lobotomie à ses débuts
Le terme de lobotomie fait souvent peur en raison de ses débuts, dans la première moitié du XXè siècle (dans les années 1930 avec le neurologue portugais Egas Moniz qui obtint le Prix Nobel en 1949). Il s’agissait d’une lobotomie destinée à traiter certaines maladies mentales telles que la schizophrénie, voire l’épilepsie, puis d’autres troubles mentaux et moteurs par la suite.
Cette lobotomie n’était satisfaisante ni médicalement (efficacité toute relative et 6 % de décès) ni d’un point de vue éthique, d’autant qu’elle était irréversible.
Néanmoins, ce n’est qu’à l’apparition des premiers médicaments neuroleptiques (1952) et antidépresseurs (1957) que la lobotomie a été progressivement abandonnée.
Bon à savoir : dans les années 1940, ce traitement pouvait également être employé chez les personnes excessivement agitées et ayant tendance à l’automutilation.
La lobotomie à l’heure actuelle
Aujourd’hui considérée comme une pratique barbare, la lobotomie est strictement encadrée. Elle n’est d’ailleurs plus pratiquée en France, en Allemagne, dans de nombreux états des États-Unis, au Japon, aux Pays-Bas, etc.
Les interventions apparentées (il ne s’agit plus de lobotomie à proprement parler) sont pratiquées par des neurochirurgiens spécialisés qui, grâce à l’imagerie moderne, parviennent à placer deux électrodes dans le cerveau (au niveau du noyau sous-thalamique) avec une extrême précision. Ces électrodes sont ensuite reliées à un stimulateur qui délivre un courant continu et permet de moduler les comportements.
Cette technique de stimulation cérébrale profonde (ou neurostimulation cérébrale) est beaucoup moins invasive et donc moins destructrice que la lobotomie. Par ailleurs, elle est réversible.
Quand envisageait-on une lobotomie ?
Il existe divers cas de figure extrêmes qui pouvaient amener à envisager la réalisation d’une lobotomie :
- des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) chroniques, sévères et invalidants sans traitement efficace ;
- certains syndromes dépressifs majeurs ou des troubles bipolaires (syndrome maniaco-dépressif);
- certains cas de schizophrénie (même si en l’absence de résultats concrets, cette technique a été abandonnée).
La lobotomie pouvait apparaître comme une solution miracle à une époque où ces troubles obsessionnels ne pouvaient être soulagés efficacement par des médicaments. Aujourd’hui encore, elle ne peut éventuellement être proposée que chez les personnes par ailleurs jugées incurables.
Ainsi, même dans les pays où elle est encore pratiquée, cette intervention n’est jamais proposée en première intention. Ce n’est qu’après avoir mis en place des traitements médicamenteux et une approche psychothérapeutique qu’on peut l’envisager.
La recommandation 1235 (de 1994) relative à la psychiatrie et aux droits de l’homme de l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe indique : « La lobotomie et la thérapie par électrochocs ne peuvent être pratiquées que si le consentement éclairé a été donné par écrit par le patient lui-même […] et si la décision a été confirmée par un comité restreint qui n'est pas composé uniquement d'experts psychiatriques. »
La lobotomie en pratique
Les premières lobotomies réalisées par Egas Moniz consistaient à interrompre les circuits neuronaux responsables des troubles psychotiques. Pour cela, on glissait un petit scalpel de chaque côté du front par un trou de trépan afin de déconnecter les lobes frontaux du reste de l’encéphale avec les destructions neuronales que cela engendrait.
À sa suite, dans les années 1940-1950, le neuropsychiatre américain Walter Freeman a pratiqué de nombreuses lobotomies frontales transorbitaires particulièrement violentes. Elles consistaient, après une anesthésie sommaire (provoquée par un électrochoc), à passer sous l’orbite (sous l’arcade sourcilière) et à enfoncer de 7 cm un instrument pointu (« pic à glace ») dans le sinus frontal à l’aide d’un maillet. En remuant la main, il déconnectait les lobes frontaux de ses malades. Quelques minutes suffisaient pour réaliser cette opération.
Bon à savoir : W. Freeman a parcouru les États-Unis et opéré entre 2 500 et 4 000 personnes avec 14 % de décès des suites opératoires, de nombreuses séquelles irréversibles et des résultats mitigés.
Risques d’une lobotomie
La lobotomie est une intervention extrêmement traumatisante. En « s’attaquant » au lobe frontal, elle a des retentissements majeurs.
Elle peut en effet provoquer :
- une modification (voire un changement radical) de la personnalité ;
- des troubles de la personnalité (presque de la schizophrénie) ;
- des changements de caractère qui se traduisent par une perte de la spontanéité, de la socialisation et des capacités d’adaptation ;
- des troubles de la libido.
Par ailleurs, rappelons que son efficacité à long terme n’a pas été démontrée.