La chimiothérapie est la méthode de traitement des cancers la plus fréquemment employée avec la radiothérapie et la chirurgie. Plus rarement, on peut soumettre le patient à la curiethérapie, l'hormonothérapie, l'immunothérapie, et dans certains cas la greffe de moelle osseuse.
Chimiothérapie : intoxiquer les cellules pour les détruire
La chimiothérapie est un traitement reposant sur l'administration de médicaments destinés :
- à détruire les cellules cancéreuses ;
- à empêcher leur multiplication (qui s'effectue par division cellulaire) en inhibant la synthèse de l'ADN ou de l'ARN et donc à entraîner leur mort ;
- à soulager un certain nombre de symptômes et la douleur notamment.
Il s'agit de médicaments cytotoxiques, c'est-à-dire qui visent à intoxiquer les cellules :
- Les médicaments anticancéreux sont particulièrement efficaces sur les cellules à développement rapide, ce qui caractérise un grand nombre de cellules cancéreuses. Cela explique son efficacité contre les tumeurs malignes chez les enfants.
- Par ailleurs, la chimiothérapie est aussi intéressante dans les cas où des tumeurs sont disséminées dans l'organisme, c'est-à-dire en cas de métastases ou de cancer généralisé.
- Elle est également utile pour réduire les risques de récidives après un traitement local ou locorégional ou avant une chirurgie pour faciliter l'ablation tumorale et éviter l'apparition de métastases.
À savoir : une étude publiée dans la revue américaine JAMA Oncology prouve que la chimiothérapie utilisée en tant que traitement palliatif chez les patients en fin de vie est inutile et même préjudiciable à la qualité de vie des malades encore capables d'agir au quotidien. Les auteurs de l'étude (les docteurs Charles Blanke et Erik Fromme de l'Université d'Oregon) confortent l'avis des experts consultatifs de l'American society of clinical oncology et concluent : « si un cancérologue suspecte qu'un malade est condamné dans les six mois, on devrait alors éviter un tel traitement. »
Classes de médicaments employés en chimiothérapie
Il existe plus de 50 médicaments différents utilisés en chimiothérapie. Il est possible de distinguer diverses catégories en fonction de leur action :
- Les antimétabolites inhibent la synthèse de l'ADN ou de l'ARN. Le plus connu est le méthotrexate. Dans cette classe, on trouve aussi la cytarabine et le 5-fluorouracile (depuis 2019, ce dernier est soumis à des conditions de prescription très strictes en raison de sa grande toxicité).
- Parmi les traitements empêchant la division cellulaire se trouvent :
- les taxanes comme le paclitaxel (Naveruclif®), utilisé pour le traitement des cancers du sein métastatiques, des adénocarcinomes du pancréas métastatiques et des cancers bronchiques non à petites cellules,
- les vinca-alcaloïdes dont la vinblastine et la vincristine.
- Les BH3 mimétiques sont de nouveaux médicaments capables de bloquer les mécanismes qui empêchent l'apoptose (mort cellulaire programmée) de s'effectuer normalement et donc d'éliminer les cellules susceptibles d'être le point de départ d'un cancer. Ils sont efficaces sur 25 % des tumeurs malignes : hémopathies telles que les leucémies myéloïdes aiguës, les lymphomes ou les myélomes multiples ainsi que sur certaines tumeurs solides telles que les mélanomes, le cancer du sein ou encore les cancers bronchiques.
- D'autres médicaments inhibent des enzymes responsables du traitement macromoléculaire de l'ADN. Parmi eux se trouvent plusieurs classes médicamenteuses :
- les anthracyclines telles que la daunorubicine (Cerubidine), la doxorubicine (Adriamycin) et l'épirubicine.
- les épipodophyllotoxines dont l'étoposide et la téniposide.
- les camptothécines avec l'irinotecan et le topotecan.
- Les médicaments qui altèrent l'ADN des cellules cancéreuses déjà matures sont :
- des agents alcoylants comme le chlorambucil, la cyclophosphamide, et la procarbazine,
- des dérivés du platine tels que le carboplatine et le cisplatine.
À noter que certains médicaments tels que les anthracyclines sont limités quant à la quantité totale qu'il est possible d'administrer au cours d'une vie. En effets, leurs effets secondaires affectent directement certains organes vitaux (cœur et poumons).
Remarque : les traitements hormonaux comme le tamoxifène rentrent davantage dans les traitements appartenant à l'hormonothérapie.
Chimiothérapie : une efficacité variable
L'efficacité du traitement de chimiothérapie employé est extrêmement variable en fonction de la tumeur maligne à laquelle il s'attaque. Par exemple, des cancers comme le cancer des testicules (y compris chez les enfants), les lymphomes malins ou les leucémies répondent bien au traitement, contrairement à d'autres comme les cancers du pancréas ou les tumeurs au cerveau, les molécules médicamenteuses ne parvenant pas à franchir la barrière de protection placée entre les vaisseaux et le cerveau.
Le tableau ci-dessous présente l'efficacité de la chimiothérapie selon le type de cancer :
Réponse faible à la chimiothérapie (faible taux de guérison) | Réponse élevée à la chimiothérapie mais faible taux de guérison | Réponse élevée à la chimiothérapie (taux de guérison élevé) |
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L'efficacité des médicaments anticancéreux est très limitée en association avec des greffes de moelle osseuse. La combinaison de ces deux approches n'est donc pas très intéressante.
Par ailleurs, quoique de faible impact sur les cancers du côlon ou du sein, par exemple, la chimiothérapie est utilisée comme traitement complémentaire (même si la survie proprement dite n'en est pas meilleure pour autant).
Résistance à la chimiothérapie
La chimiosensibilité (façon dont les cellules cancéreuses réagissent à la chimiothérapie) dépend :
- de la vitesse de croissance des cellules (celles qui sont particulièrement actives sont plus sensibles à la chimiothérapie) ;
- de la quantité de médicaments utilisée (le but étant de donner des doses suffisamment élevées pour être à la fois le plus efficace possible sans engendrer trop d'effets secondaires) ;
- de la capacité du traitement à détruire les cellules cancéreuses.
Il est donc généralement assez difficile d'anticiper le résultat d'une chimiothérapie, d'autant que certaines tumeurs peuvent se montrer résistantes ou le devenir au cours du traitement.
De plus, même si la classe de médicaments employés est changée pour contourner ces résistances nouvellement apparues, les tumeurs continuent à résister. C'est ce qui explique que des associations de médicaments soient utilisées d'emblée dans la mesure où les cellules cancéreuses sont rarement résistantes à deux médicaments administrés simultanément.
Prédire la réponse à la chimiothérapie
Certaines méthodes permettent d'évaluer assez précisément l'efficacité d'un traitement chimiothérapeutique.
Ainsi, des chercheurs Français utilisent l’élastographie par ondes de cisaillement (SWE). Cette technique échographique peu connue, combinée à une sonde échographique 3D, permet d'évaluer la dureté des tissus (les résultats apparaissent sous la forme d'une cartographie 3D en couleurs). La technique est simple à mettre en œuvre, non-invasive et indolore.
Grâce à elle, il est possible de prédire la réponse à la chimiothérapie chez des femmes porteuses d’un cancer du sein puisque la SWE permet de constater la diminution de la dureté des tissus, ce qui est un facteur prédictif du succès du traitement.
À noter : l’élastographie par ondes de cisaillement permet également de réajuster le traitement en fonction des résultats obtenus.
Protocoles de traitement chimiothérapeutique
L'objectif de la chimiothérapie est de détruire le plus de cellules tumorales possible, d'où une étude rigoureuse du patient, au cas par cas. En moyenne, une chimiothérapie s'étale sur 6 mois (de trois mois à un an). Toutefois, le protocole peut être revu si les effets secondaires sont trop importants.
Chimiothérapie : prise en compte de divers facteurs
L'oncologue va prescrire le traitement en fonction de divers facteur tels que :
- le type de cancer (sachant que certains sont plus chimiosensibles que d'autres) ;
- le stade du cancer ;
- l'état de santé général du patient ou s'il souffre d'une pathologie hépatique ou rénale ;
- son âge (en oncogériatrie et pour les enfants le traitement est véritablement personnalisé) ;
- les autres traitements du cancer prévus (radiothérapie notamment, mais aussi cimentoplastie en cas de métastases osseuses ostéolytiques de cancers).
Mise en place personnalisée de la chimiothérapie
À partir de ces informations, le cancérologue va déterminer :
- les médicaments à utiliser ;
- leur dose (habituellement en fonction de l'indice de masse corporelle ou simplement du poids) ;
- le mode d'administration (qui sera ajusté en fonction de la réaction des cellules cancéreuses) :
- perfusions de plusieurs heures voire de plusieurs jours à l'aide de réservoirs implantables : des ports-à-cath (cathéters implantés sous la peau qu'il est facile de piquer pour injecter le traitement médicamenteux),
- par voie orale ;
- la fréquence d'administration (durée, horaire et nombre de cycles, périodes au cours desquelles les médicaments sont pris de façon régulière) ;
- la durée du traitement (les cycles de chimiothérapie sont suivis de périodes de repos allant de quelques jours à quelques semaines, le temps que les cellules saines récupèrent).
Bon à savoir : un arrêté du 30 novembre 2020 autorise l’expérimentation de suivi à domicile des patients sous anticancéreux oraux sur 45 sites en France. Ce suivi se fait selon six étapes : prescription, accompagnement éducatif, primo-dispensation, renouvellement et délivrance, télé-suivi du patient.
Effets secondaires de la chimiothérapie
La chimiothérapie a généralement assez mauvaise presse en raison de ses nombreux effets secondaires. En effet, elle détruit non seulement les cellules cancéreuses mais aussi de nombreuses cellules saines.
Ces effets secondaires seront extrêmement différents en fonction du type de médicament, de la dose, de l'état de santé général, etc. Ils peuvent faire leur apparition à n'importe quel moment du traitement (dès le début, quelques jours après ou plusieurs semaines plus tard). Néanmoins, la plupart se résorbent rapidement à l'arrêt du traitement (rares sont les effets tardifs qui font leur apparition des mois après le traitement et ceux qui persistent).
Principaux effets secondaires de la chimiothérapie
Chaque molécule de chimiothérapie possède ses propres effets secondaires, ceux-ci pouvant être plus ou moins graves et marqués. Ils dépendent également du patient, chacun pouvant réagir différemment au traitement.
Les principaux effets secondaires rencontrés dans le cadre d'une chimiothérapie sont (liste non exhaustive) :
- Des affections sanguines, ou aplasie médullaire (affectant les cellules fabriquées dans la moelle osseuse et dont les symptômes sont maximaux entre une et deux semaines après la chimiothérapie) constituent l'effet secondaire le plus courant et le plus grave de la chimiothérapie. S'il survient, il amène à aussitôt réviser les doses administrées. Ces affections se caractérisent par :
- une anémie (réduction du nombre de globules rouges se traduisant par de la fatigue et un mal-être général),
- une leucopénie (réduction du nombre de globules blancs, surtout des polynucléaires, avec des risques infectieux augmentés),
- une thrombopénie (réduction du nombre de plaquettes dans le sang avec des hématomes et des saignements facilités en raison d'une moins bonne coagulation).
- Nausées et vomissements sont fréquents dès les premières heures (surtout lorsque les médicaments sont combinés) et ils durent environ une journée. Ils sont compensés par des traitements destinés à limiter ces symptômes (médicaments antiémétiques).
- La douleur que causent certains traitements de chimiothérapie se manifeste au niveau des muscles, des articulations, de la tête, de l'estomac (maux de ventre). Parfois, ils se traduisent par une sensation de brûlure ou de douleur électrique dans les membres. Ces symptômes ont tendance à perdurer quelque temps après la suspension du traitement.
- La chute des cheveux (ou alopécie) est variable selon les médicaments, celle-ci étant plus ou moins rapide et plus ou moins marquée (ou nulle). Dans certains cas, tout le corps peut être affecté (avec la perte des poils), généralement dans les deux ou trois semaines qui suivent le début du traitement (ces poils repoussent à l'arrêt du traitement).
- La fatigue est très souvent présente en cas de chimiothérapie, souvent en raison de l'anémie. De plus, la personne se sent lasse, faible, elle perd l'appétit et déprime. Cette fatigue peut soit se prolonger longtemps après le traitement soit s'atténuer au fil des jours.
- La perte d'appétit est également fréquemment liée aux nausées et à la fatigue. Par ailleurs, certains médicaments (les antimétabolites, les taxanes et les thérapies ciblées) modifient le goût et l'odorat (ce qui se traduit principalement par des sensations de goût amer, métallique ou salé). Il est pourtant important de faire en sorte de continuer à s'alimenter correctement pendant et après les séances de traitement (une prise de poids peut être observée en cas d'administration de corticoïdes).
- Des symptômes pseudo-grippaux peuvent aussi faire leur apparition sous forme de douleurs musculaires, de maux de tête, de frissons, de nausées, etc. Ils peuvent être d'origine infectieuse.
- Les lésions buccales (stomatites) et des inflammations de l'intérieur de la bouche (mucites) se traduisent par des ulcérations et des douleurs rendant l'alimentation impossible et augmentant le risque de dénutrition, d’altération de la qualité de vie et finalement de mauvais pronostic. Il est donc important de lutter contre ces effets secondaires en conservant une hygiène buccale irréprochable. Notez que l’incidence de la mucite de haut grade serait significativement inférieure chez les personnes ayant bénéficié d’une prise en charge nutritionnelle précoce (nutrition entérale).
- L'inflammation des muqueuses (mucosite) est également courante, notamment au niveau de l'œsophage, du côlon ou des organes génitaux.
- La diarrhée et la constipation sont dues à la destruction des cellules du tube digestif. Elles sont souvent présentes lorsque plusieurs médicaments sont combinés et elles sont à la fois d'apparition précoce (dans les jours qui suivent) et de disparition tardive. Par ailleurs, les antimétabolites altèrent de façon majeure le microbiote (flore intestinale).
- La déshydratation est directement liée aux diarrhées et aux vomissements, surtout chez les enfants. Il est très important de l'éviter en repérant les signes annonciateurs tels qu'une urine foncée (ou trop peu d'urine), une importante sensation de soif ou l'impression d'avoir la peau et la bouche sèches.
- Des réactions cutanées et une photosensibilisation de la peau (elle devient sensible au soleil) peuvent apparaître sous forme de rougeurs et de démangeaisons.
- De même, les yeux peuvent être plus sensibles, la vision pouvant être altérée. Les larmoiements sont alors fréquents et ils gênent le port de verres de contact. Les pertes d'ouïe (ou de l'équilibre) sont dues aux dommages causés au système nerveux.
- Les troubles urinaires qui peuvent être rencontrés sont des cystites (notamment en cas de doses élevées) ou une incontinence (surtout chez les enfants).
- De nombreux organes peuvent être affectés par la chimiothérapie, notamment le cœur, les poumons, le foie et les reins. Cela se traduit par toutes sortes de symptômes, y compris des troubles de la fertilité (voire une ménopause provoquée). Chez l'enfant, on peut parfois observer une puberté retardée, voire une stérilité définitive à l'âge adulte.
- Plus rarement, les agents chimiothérapeutiques peuvent être à l'origine de l'apparition de nouveaux cancers. Cela se retrouve surtout chez les personnes ayant reçu à la fois une chimiothérapie et une radiothérapie, cette apparition pouvant être précoce ou très tardive (plusieurs années après le traitement).
- Par ailleurs, certains traitements peuvent se révéler mortels à l'image du 5-FU (5-fluorouracile, une chimiothérapie à base de fluoropyrimidines), employé notamment dans les cancers digestifs, mammaires et ORL. En effet, chez les patients déficitaires endihydropyrimidine déshydrogénase (DPD, une enzyme indispensable à l'élimination des fluoropyrimidines), il est responsable d'une toxicité sévère pouvant entraîner la mort. C'est pour cette raison que l'ANSM, selon les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) et de l'institut national du cancer (INCa), impose désormais la réalisation d'un dosage, avant l'administration du traitement ; le prescripteur doit ensuite préciser sur la prescription « Résultats uracilémie pris en compte », et le pharmacien doit s'assurer de la présence de cette mention avant de dispenser le traitement.
Quels que soient les symptômes, il ne faut pas hésiter à en parler à l'équipe soignante qui cherchera à en comprendre la cause et à aider les patients à mieux vivre leur traitement, quitte à le modifier.
Bon à savoir : un récent rapport du Bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Europe indique que le fait d’écouter de la musique ou de réaliser des créations artistiques peut réduire les effets secondaires des traitements anticancéreux. Le rapport fait également observer que certaines interventions artistiques sont plus rentables que des traitements biomédicaux standards.
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